Après une nuit humide, la forêt fume et gazouille au petit matin. Le plan de la journée est de rallier Crescent City pour changer petit plateau, chaîne et cassette. Je pars donc sur le grand plateau et me débrouille tant bien que mal à parcourir 20 miles. C’est vallonné dans la forêt, puis la route rejoint la côte et passe dans la tribu des Yuroks. Dans la dernière côte avant mon objectif, tout fout le camp dans la transmission ! Impossible de donner un coup de pédale sans que tout saute ou déraille… Après quelques tentatives de réglages infructueux, je m’arrête sur le bas-côté et marche un peu jusqu’à trouver un lieu propice au stop.
Pas loin de moi, un Yurok nommé Damien, un peu trop exubérant et à moitié mythomane à mon avis, est tombé en panne avec son 4X4. Un jeune couple avec un bébé de 7 mois et 2 pittbulls bien léchés lui viennent en aide et m’embarquent avec eux. Ils vivent dans leur 4X4 depuis 7 semaines, voulaient s’installer en Oregon pour des questions de droits d’avoir les chiens, qui sont pourtant ses chiens médicaux parce qu’il a un syndrome de stress post-traumatique, et qu’ils sont venus quelques jours à Klamath voir son père… Je ne comprends pas tout, mais je sais qu’ils sont prêts à aider et très généreux. Ils m’aident à trouver le magasin de vélo de Crescent City et s’en vont vers leur prochaine aventure : trouver un logement, trouver un travail, fonder un foyer …
Arrêt au stand à Crescent City
Chez Back Country Bicycles, il n’y a pas de plateau pour remplacer le mien, mais bien une chaine et une cassette qui feront l’affaire. Le mécano décide de ne pas me faire payer la main d’œuvre et m’installe le tout avec efficacité et rapidité. J’observe ses gestes précis, pas de parasites ou d’hésitation, les outils sont immédiatement rangés et essuyés après utilisation. Du beau boulot. Il en profite pour dévoiler la roue et régler le frein arrière. Mon vélo avait bien besoin d’un soin !
Je reprends la route avec l’espoir de trouver un plateau à Brookings, la première bourgade en Oregon. Il y a 20 miles à parcourir mais la résolution provisoire du premier problème m’a redonner de l’énergie. Un rayon décide de péter quelques minutes à peine après avoir repris la route. Je répare in petto et en profite pour grignoter sur le pouce. Un cycliste s’arrête en venant du Nord. Il fait des étapes de 130-140 miles et me dit qu’il n’a eu que de la pluie depuis son départ de Seattle ! Les rythmes des voyageurs à vélo sont décidément extrêmement variés … Je repars donc avec l’envie de parcourir au moins les 50 miles jusqu’à Cape Sebastian !
Négociations autour d’un plateau
Le seul magasin de vélo à Brookings n’a pas de plateau non plus ! Le prochain magasin est à 100 miles au nord, la route devient très vallonnée et je ne veux pas attendre une semaine que le plateau soit commandé. Le patron finit par dégoter un pédalier d’occasion avec un plateau de 34 qui fera l’affaire. Il veut me refourguer le tout 25 $. Seul le petit plateau m’intéresse. Il tient à ses 15$. Je n’ai aucune envie de marchander, je suis trop heureux d’avoir enfin une transmission comme neuve !
Adios California
C’est avec grande joie que j’ai quitté la Californie et ses contrastes hallucinants. Je ne garderai pas que de bons souvenirs du Nord avec ses routes peu fiables et ses chauffeurs agressifs. Au contraire, l’Oregon semble soigner ses cyclistes : les bas-côtés sont réguliers et larges, les panneaux incitent non seulement à partager la route mais à prendre en considération les cyclistes vulnérables sur la chaussée et il y a même des « Stop, rest and repair » : des stands pour réparer les montures avec tous les outils à disposition du public ! Les chauffeurs montrent aussi beaucoup plus d’égards et la côte devient d’une beauté merveilleuse. Les forêts qui se jettent dans la mer, des falaises abruptes, des plages de sable gris avec les « seastacks » typiques des formations géologiques franciscaines me ravissent. Je roule dans la lumière du soir, la température est parfaite, le corps est plein d’énergie. Je croyais avoir repérer un camping au Cape Sebastian … ce n’est en fait qu’un point de vue.
Gold Beach
Je dormirai donc ce soir caché non loin du visitor center de Gold Beach. La plage n’est pas dorée mais elle est le théâtre pour un coucher de soleil splendide : un ban de nuages dessine des formes effervescentes à l’horizon, la lumière du couchant les teinte de rose et d’orangés, sur la plage une brume crée une ambiance pastel et enveloppe les marcheurs au loin. La plus belle récompense pour cette journée qui finit mieux qu’elle n’avait commencée !
Damien



















