# Colorado : ça commence à devenir sportif !

A Durango j’ai trouvé refuge chez la famille Shaw. Charles et son frère, visionnaires, ont acheté une école en ruine il y a 20 ans, au cœur de la ville. Elle devait être rasée. Il l’ont réhabilitée complètement pour en faire aujourd’hui une oasis créative et progressiste : une cinquantaine de salles sont louées pour l’école de danse de Judith Shaw, pour divers cours de yoga, pour une école Montessori, pour des bureaux d’entreprises et des ateliers d’artistes. L’ensemble du bâtiment est alimenté par 110 KW de panneaux solaires, et quand je suis arrivé une vente directe de fermiers locaux avait lieu dans le hall d’entrée. Le Smiley Building porte bien son nom parce que tout y est ouvert et souriant.

Charles est passionné de VTT et de voyage à vélo et il a transmis ce plaisir à son fils de 6 ans, Raleigh, qui va à l’école en vélo tous les jours, même quand il neige ! Ils partaient faire un tour en VTT quand je suis arrivé. Durango semble le paradis des vététistes avec des centaines de kilomètres de sentiers alentour. J’en profite pour faire quelques réserves de couscous, de flocons d’avoine et de fruits secs. A leur retour, nous allons déguster des burritos en ville, une galette de maïs qui devient le réceptacle de riz, haricots, poivrons, salade, tomates, le tout agrémenté de sauce à l’avocat et à la coriandre. Autour d’un thé nous discutons de la vie dans cette ville de 20 000 habitants. Et nous rions des proximités de nos activités montagnardes. Merci pour cet accueil si spontané et si généreux !

La météo n’est pas engageante pour les jours qui viennent et je décide de tenter une grande étape pour traverser les montagnes et échapper à la neige : 135 km, 3 cols à plus de 3 000 m, et près de 2300 m de dénivelé. Ce n’est pas la mer à boire mais ça commence à devenir sportif ! Ma seule inquiétude concerne mon genou gauche qui me taquine avec une petite inflammation : j’ai glacé abondamment et Charles m’a fait essayer une petite pommade à la décoction de cannabis qui a soigné ses poignets et qui a fait bel effet sur mon genou ! Le Colorado est l’un des États à avoir légalisé la consommation médicale et récréative de cannabis.

Au matin mon genou va beaucoup mieux, le ciel est clair et je m’engage sur la HW 550, direction Silverton. Je quitte les marnes et les roches rouges qui entourent Durango pour des montagnes alpines, couvertes de pins et de neige. La montée vers le premier col, Coal Bank Pass, 3 550 m, se fait en trois paliers et 45 km. Il y a des rampes bien raides qui réveillent de bon matin et font regretter un troisième plateau ! Dès qu’il y a quelques replats longeant des lacs, le développement immobilier a colonisé les lieux. Il y a même une petite station de ski au pied de l’Engineer Montagne (4000 m, la montagne ingénieure… il fallait l’inventer celle-là !) et la dernière montée vers le col. C’est raide. Je sens bien la petite trompette, les livres et la recharge de bouffe derrière moi. Heureusement, une sympathique brise de vallée assouplit de temps à autre mon pédalage. L’arrivée au sommet n’est pas encore une victoire mais déjà une grande satisfaction. Je mange abondamment : ce sera toujours ça de moins à tirer ! Je m’habille parce qu’il y a de la neige partout alentour et du vent bien frais. Je me lance dans une descente ouvrant sur des hautes montagnes. Après quelques miles, la montée du 2e col s’amorce. Un pick-up me double et me demande : « Do you want a ride? ». Si je veux mettre mon cul dans une caisse pick-up pour laisser un moteur me faire passer les cols ? Ce n’est pas vraiment l’idée ! Il accélère en me lançant : « Don’t freeze ! ». Le deuxième col, Molas Pass, 3325 m, est plus facile : plus court, moins raide. Je me dis que décidément j’aime bien la montée ! Et la promesse de la descente sur Silverton, où j’avais prévu de m’arrêter si la météo avait été favorable, est réjouissante. Sur les versants Sud, des pentes parfaites pour le ski de randonnée, mais la plupart des traces sont de motoneiges… La descente est de plus en plus ludique. Je retrouve des sensations de vitesse et de jeu avec les virages, comme si la remorque se laissait oublier.

J’arrive finalement à Silverton à 14h30. C’est un petit bled à 2800 m qui s’est développé jadis autour des mines. Je trouve refuge au centre touristique pour casser la croute à l’abri du vent. A 15h je suis mis à la porte gentiment parce que le bureau ferme. Je reprends mon courage à deux mains et m’engage sur le 3e col de la journée : Red mountain pass. Les jambes sont raides et le souffle court. Il y a quelques flocons qui arrivent déjà. Je me souviens que Raleigh m’a raconté avoir monté ce col sous la pluie l’année dernière. Cela me donne du courage : je me dis que si un gamin de 5 ans a réussi à gravir les 600 m de dénivelé sous la pluie, ça ne doit pas être si terrible. Et en effet, la pente est douce et régulière. Le décor est grandiose et les contrastes entre les roches rouges de minéraux et la neige fascinants. Mon genou va de mieux en mieux.

L’arrivée au col (3358m) est une délivrance et un sentiment de victoire : l’effort demandait un bon engagement et un petit air d’ivresse des cimes m’égaie ! Les 20 miles de descente sont savoureux. Le passage des pentes enneigées aux falaises ferrugineuses se fait en douceur. Je décide de passer Ouray pour rejoindre Ridgway. La bise est toujours favorable et ça file ! On m’a conseillé un camping qui abrite des sources chaudes. Je craque et vais payer le camping pour la 2e fois du trip : mais ce soir, j’avais besoin d’une récompense et le corps demandait de la chaleur. Après mes 8 heures de vélo de la journée, la détente dans les eaux soufrées est magnifique. Sans doute l’étape la plus excitante depuis le début du périple. Et les montagnes comme milieu sublime en sont responsables !

A Denton, les étudiants m’avaient demandé quel était le lieu que j’avais préféré. Je leur avais répondu : il n’est pas encore arrivé ! J’attendais les montagnes. Celles du Nouveau-Mexique m’ont régalé. Celles du Colorado m’ont ravi !

Damien

Sallad !

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2 réflexions sur “# Colorado : ça commence à devenir sportif !

  1. Merci de nous faire vivre quotidiennement cette aventure. On a froid avec toi, on se réjouit et on est en colère avec toi. On n’est pas indifférents nous non plus à certains lieux ou à certaines personnes rencontré(e)s…et on imagine même les rêves qui doivent être les tiens. Merci de préférer l’émotion, l’expérience intime au cours de philosophie. Tu es une belle personne qui en parlant de toi et des autres, parle de nous tous, frères humains. Keep on going !

  2. Nouvelle arrivée dans votre aventure, j’ai tout lu et je suis émerveillée. Bravo, magnifique.
    Françoise Université Populaire Annemasse-Genevois

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