# Une maison qui ne connait pas d’étrangers

A Pecan Island, dans le Sud-Ouest rural de la Louisiane, j’ai été invité par Juanita et Chris Campbell. Sur l’annonce warmshowers, la phrase « Our home knows no strangers » – « Notre maison ne connait pas d’étrangers », promesse d’ouverture et de générosité, m’avait immédiatement plu. Avec un jour de retard du fait de violents orages et après avoir roulé une longue journée à contre vent, c’est avec un coucher de soleil magnifique que j’arrive, heureux, chez mes hôtes.

Rita encore présent

Le lieu est magnifique parce qu’il y a plus d’animaux et d’arbres et d’eau que d’humains ! C’est aussi à 60 km de la première ville et le travail ne court pas les rues. Chris est ouvrier sur les plateformes pétrolières. Il venait d’être muté à 4h de chez lui : 7 jours à Fouchon (au sud de La Nouvelle Orléans), 7 jours pour récupérer. Il avait une semaine de repos et ne voulait pas « parler de toute cette merde » : le travail, la situation économique du secteur pétrolier, la politique… Il se levait le matin vers 4h30 pour aller à la pêche aux crabes. Et quand il revenait, il alternait maintenance de la propriété et bière dans son confortable fauteuil devant la télé. J’ai adoré son caractère à la fois discret et déterminé, sa prévenance et son humour caustique !

Juanita accueille tous les cyclistes qui passent dans ce sud rural de la Louisiane. Elle n’est pas cycliste elle-même mais « a embrassé les principes de l’hospitalité » et comment ! Elle me raconte qu’un cycliste s’étant fait un épanchement au niveau du genou est resté 3 mois chez eux pour se soigner avant d’aborder la Texas ! Elle sait que les voyageurs à vélo ont toujours faim. Elle me dit « le premier soir, tu es invité et on te sert ! Après tu fais partie de la famille et tu fouilles pour trouver ce dont tu as besoin » ! Je lui dis que je suis végétarien, elle me sort les légumes de son jardin et des paysans alentour. L’ouragan Rita a frappé durement la région, il y a 10 ans. Leur maison a été détruite, 3 mois sans électricité, le sentiment d’être abandonné par les autorités : le traumatisme semble encore présent. Depuis ce moment, Juanita dit avoir cherché de plus en plus l’autosuffisance. Elle a des poules pour les œufs, une serre et un jardin. Le jour où je suis resté chez eux, la lune était favorable à la plantation des bulbes, parait-il. Oignons, ail et tout le tremblement annonçaient le printemps prochain. Elle a aussi des panneaux solaires et vise l’autosuffisance énergétique dans 5 ans me dit-elle. Elle a longtemps travaillé comme saisonnière dans le village, lavant le campement des chasseurs de canards. Depuis quelques années elle travaille avec une amie dans un magasin de meubles. Mais elle n’a guère besoin d’argent : la maison est payée (9000 $), elle me dit ne dépenser qu’autour de 30$ d’achat en nourriture par mois : tout le reste est soit produit par elle, soit échangé alentour, soit glané dans les stocks énormes de nourriture encore parfaitement comestible mais balancée par des supermarchés américains, les As du gaspillage !

Les 6 chiens et les 3 chats complètent la famille : leur intelligence, leur affection, la nature des interactions entre eux et leurs maîtres faisaient plaisir à voir.

Je suis resté finalement 2 nuits et j’étais invité à prolonger la visite mais le Texas est vaste à traverser ! Quand nous avons échangé nos cartes, je remarque que Juanita a indiqué en lieu et place de la traditionnelle profession human being. J’aime cela. Elle m’explique : « Je trouve dommage de vouloir réduire les gens à une profession. Moi, je sais faire plusieurs choses mais rien que je fasse suffisamment bien pour en faire un métier. Et là où je me sentais la meilleure, c’était à être ! Alors je me suis dit que j’allais m’employer à être le plus possible un « être humain » ». Dans sa bouche, ça voulait dire : la générosité totale, la joie, l’attention, la prévenance. Pour rendre un peu ce dont elle a bénéficié dans ses nombreux voyages, mais surtout pour la joie du don et du soin apporté aux nomades de tous horizons !

Pour souhaiter une bonne nuit elle avait une formule : « Puisses-tu passer une excellente nuit et puisses-tu trouver la joie à ton réveil ! Et si tu ne trouves pas la joie, que tu trouves au moins la volonté de gratter pour trouver la joie ! ». Depuis 6 mois, elle apprend le piano. Alors, avant mon départ, nous avons partagé 3 chansons, ma petite trompette et son piano désaccordé. La joie tout simplement !

Damien

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