Parcourir le Skyline boulevard au matin est magnifique. Je comprends enfin le jeu avec les nuages et la condensation qui produit la luxuriance. La descente sur Palo Alto est raide. De nombreux cyclistes gravissent la pente. Je suis heureux de ne pas partager leur sort.


Standford
Je traverse le Campus de Sandford University. C’est effervescent et cela circule dans tous les sens, principalement en vélo. Je m’arrête contempler quelques instant le jardin de sculptures de Rodin et le bâtiment McMurtie qui veut symboliser la vivacité de l’art et de l’histoire de l’art en régime libéral… Ici il y a 117 statues de Rodin qu’un seul couple a accumulé mais pour les mettre à disposition du public par la suite.













Bay trail
Je traverse la Baie sur le pont Dumbarton. J’emprunte ensuite principalement des chemins en terre ou en gravier pour remonter le long des marais de l’est de la baie de San Francisco. Les populations sont principalement asiatiques et les panneaux pour prévenir de la dangerosité de la consommation des produits de la mer du fait de la pollution aux métaux lourds se font polyglottes !







Berkeley
J’arrive dans une ville où être philosophe de l’environnement à vélo ne semble plus du tout exotique. Des « boulevards à vélos » inversent le rapport de force sur quelques avenues. Le monopole radical est officiellement contesté. Les poubelles marquent aussi le changement de paradigme : une grosse pour le compost, une grosse pour le recyclage, une petite pour les déchets non-recyclables. C’est le lieu de vie de Joanna Macy et de Carolyn Merchant, deux figures marquantes de l’écoféminisme, mais toutes deux semblent trop occupées pour pourvoir être rencontrées. Paradoxe un peu décevant, c’est dans la mesure même où la sensibilité écologiste devient un paradigme moins minoritaire qu’il m’est le plus difficile de rentrer en contact avec activistes et universitaires locaux. Répondre aux mails semble ici facultatif et il va me falloir adapter un peu mon mode d’organisation.




El Cerrito
J’arrive chez Christine et Jean-Manuel, cousins d’amis chambériens de longue date et généreux représentants de l’élite française formée dans les grandes écoles de la République et expatriés en terre libérale depuis 17 ans. La vue sur le Golden Gate depuis le jardin soigné domine. Les discussions sont passionnantes même si je dois m’introduire dans le langage de la tribu des champions économiques. Cela oblige à de la souplesse mentale mais cela permet de comprendre le dynamisme euphorique de la Sillicon Valley, où l’impression d’être au cœur de la puissance économique en croissance et des innovations majeures pour le futur de l’humanité anime et canalise tant d’intelligences et d’énergies créatrices. L’hypothèse d’une interconnexion globale à travers les i-technologies a tendance à proposer une vue imaginaire et homogénéisante de l’humanité et arrive facilement à faire oublier l’hétérogénéité culturelle, les inégalités sociales et les résistances à la belle théorie libérale. Les SDF d’Oakland, la violence dans les écoles publiques, le risque pour les enfants des classes sociales les moins favorisées de tomber dans le banditisme : tout cela résiste et me semble rappeler que la croissance économique, même si elle simplifie la vie de milliers d’acteurs économiques, n’est pas une solution miraculeuse aux problèmes du vivre ensemble.
Damien