Riverside n’est pas un village. A peine un lieu-dit où une route coupe la rivière. À 5 Km de l’Interstate 15 que je devrai emprunter demain matin et à 15 km au sud de El Mesquite, premier bled dans le Nevada frontalier avec une enclave d’Arizona improbable. J’ai changé d’États 2 fois en 10 km, et de fuseau horaire aussi en arrivant au Nevada…
Pour une fois, le chant des grenouilles couvre fort les quelques voitures qui empruntent une backroad pour aller dans le désert. J’ai trouvé un lieu dans un pré, à 2 pas de la rivière. L’eau était douce et la douche excellente : aucun problème de débit ! J’ai dû négocier avec un taureau parce que j’ai visiblement posé ma tente sur son chemin pour aller boire. Il n’était pas content. J’ai dû essayer de lui faire comprendre que je ne bougerai pas et qu’il n’avait rien à craindre, qu’il ne servait à rien de râler et de faire des nuages de poussière, qu’il pouvait contourner en toute sécurité… Enfin c’était l’intention de mes « da boyon » avec une voix grave et sonore pour marquer la présence. Je l’entends encore gueuler au loin, sans doute pour draguer ses copines maintenant… Enfin, de la diplomatie avec un taureau américain je n’avais jamais fait !
La baignade au couchant était d’autant plus parfaite que pour la première fois du voyage j’ai vraiment eu chaud. Car après avoir gravi un petit col au-dessus de la réserve indienne des Paiutes et cassé la croute au frais à 1500 m, la route descendait tout droit pendant 10 miles jusqu’au fond du désert. Les premiers cactus arborescents rythmaient l’étendue à perte de vue. Et quand le vent cessait une chape de chaleur s’abattait, collante. J’avais toute l’eau qu’il fallait mais le corps n’est pas habitué à ce poids de l’air chaud. Il y a trois jours, je roulais dans une tempête de neige et dormais à -5° à 2500m… Alors aujourd’hui cela avait beau ne frôler que les 33°, cela attaquait un peu. Heureusement, il y a des stations-services partout avec de l’eau fraiche à disposition. Je devais avoir l’air un peu hagard parce que la vendeuse m’a pris en pitié. J’avais simplement besoin de fraicheur et les actions comme les mots arrivaient très lentement !
Des gens vivent ici. Il y a étrangement beaucoup de retraités ; je dis étrangement parce que les grosses chaleurs ont plutôt tendance à faire claquer les vieux. La confiance dans la climatisation est donc excellente ! Mais dans le sud de l’Utah comme ici, des têtes blanches en quête de soleil achètent des maisons dans des lotissements neufs et un peu trop fleuris pour le désert. Et cela fait une ambiance de grande maison de retraite fraichement aménagée.
Ce matin, j’ai fait de la maintenance : le réchaud qui commençait à fuir et qui avait besoin d’un petit coup de lubrifiant. Je suis ensuite monté refaire le plein de bonne bouffe à la « health food store » du village. « Health food store » ! Cela veut dire littéralement « magasin de nourriture bonne à la santé » ! On ne peut dire plus clairement que les autres magasins vous empoisonnent ! Bref, ce sont les magasins bios du coin, là où on n’essaie pas de faire croire que se nourrir correctement ne coûte pas cher. J’achète aussi une poche à eau de 4L en prévision du désert, la mienne ayant chu et fuyant lâchement depuis. Et voilà, il n’y a plus qu’à trouver un rythme pour faire avec : sans doute tôt le matin, sans doute le soir à la tombée de la nuit. Sans doute en comprenant enfin l’usage de ces glaçons partout disponibles et quasiment élément principal de toute boisson… Le désert !
Damien









