Austin est connue pour être la ville d’un des drogués les plus célèbres du sport cycliste : Lance Armstrong. De fait, c’est aussi l’une des villes du Texas « bike friendly », i.e. adaptée à la pratique du vélo. Les pistes cyclables font florès, les pedicabs (des tricycles faisant office de taxi) sillonnent le centre-ville, les associations pour la promotion du cyclisme urbain se battent pour le développement de rues complètes (contre le « monopole radical » des voitures, dirait Ilan Illich), bref les vélos prolifèrent.


En empruntant une de ces voies vertes, je me rends à une porte ouverte du Center for Maximum Potential Building Systems (CMPBS), un centre de recherche et d’expérimentation en éco-architecture, situé à 10 km au Nord-Est du centre-ville. Cette organisation à but non lucratif a été fondée en 1975 avec pour objectif de repenser globalement les stratégies de construction à partir de préoccupations écologiques. Elle est codirigée par Pliny Fisk et Gail Vittori, qui œuvrent depuis plus de 40 ans en pionniers dans l’éco-architecture.
Bien avant la récupération par la société de consommation de la préoccupation écologique sous forme de « green washing », Pliny Fisk s’est affirmé comme un architecte prônant une transformation à la racine du paradigme de conception de la construction (toujours plus grand, plus lourd, plus énergivore, notamment pour les maisons individuelles). Ses principes sont simples mais à l’époque révolutionnaires et encore aujourd’hui minoritaires :
- faire des bâtiments complètement adaptés à un terroir local (contre le formatage des constructions par des promoteurs pressés) en s’inspirant notamment des savoirs vernaculaires,
- faire des bâtiments totalement démontables et amovibles (« open-house »),
- concevoir les bâtiments comme participant à un circuit énergétique global et, autant que faire se peut, autonomes (par exemple, la récupération des eaux de pluie alimente des citernes pour un jardin, le retraitement des eaux usées par filtration par des plantes, un système de ventilation naturelle pour réduire les besoins en air conditionné…).


Les deux architectes qui nous servent de guide, nous présentent les différents prototypes dans les structures amovibles, les objets et les matériaux à l’essai. On croise deux bâtiments qui ont été présentés, en 2002 et 2007, au Solar Decathlon. C’est un concours d’architecture créé à l’initiative de l’US Department of Energy pour stimuler la recherche architecturale en termes d’efficacité énergétique et d’intelligence environnementale. L’événement a lieu tous les 2 ans. Jusqu’en 2011, il s’est déroulé à Washington DC. Il s’est délocalisé depuis 2013 à Irvine en Californie. D’abord organisé à l’intention des universités américaines, l’événement est rapidement devenu international. L’idée s’est même exportée et le concours existe en versions délocalisées en Europe (le Solar Decathlon Europe 2014 a eu lieu à Versailles) et en Amérique du Sud/Caraïbes. Les prototypes sont évalués sur 10 critères : [1] architecture, [2] ingénierie et construction, [3] efficience énergétique, [4] bilan énergétique, [5] confort, [6] équipement et fonctionnement, [7] communication et sensibilisation sociale, [8] projet urbain, mobilité, coût, [9] innovation, [10] durabilité. Le meilleur est celui qui totalise le plus de points à l’issue de ces 10 épreuves.
A côté de ces prototypes et de diverses expérimentations plus ou moins couronnées de succès, nos guides évoquent quelques grandes réussites du CMPBS comme le Dell Children’s Medical Center of Central Texas à Austin, premier hôpital à avoir reçu une certification LEED (Leadership in Energy and Environmental Design)…
Depuis plus de 40 ans, le centre accueille et forme des professionnels et des volontaires à l’écoconstruction. Il s’agit d’inventer ou de retrouver des systèmes de construction non pas pour isoler l’homme de la nature mais pour lui permettre d’entrer en compagnie avec elle. Il s’agit de se placer au plus près des spécificités territoriales tout en répondant à une urgence environnementale planétaire. Je me découvre donc au cœur d’une écotopie de bâtisseurs : la volonté de recréer une communauté avec la nature est là, l’articulation entre le local et le global aussi. Si le problème écologique est de savoir comment habiter la planète, l’éco-architecture est sans doute l’une des disciplines où l’imagination créatrice s’empare concrètement de ces enjeux avec grande réussite.
Damien
A Bissy !




