# Transition : Green River – Capitol Reef, Utah

Je n’ai que peu dormi car les préparatifs se sont dilués dans une soirée chez Jack et Mary, dans l’écriture d’une forme de bilan à cette moitié de parcours et de rangement de la maison.

La forme pour les 4 heures de sommeil que j’ai consenties me semble trop bonne et je m’attends à un retour de bâton féroce demain.

La journée a été magnifique. Le plaisir du mouvement était doublé de la beauté des formations géologiques composant ce bout de désert : toutes les nuances du gris-blanc au rouge pourpre se déclinent sur les reliefs et à l’horizon. L’érosion a sculpté les grès en cheminées, parois alvéolées et lignes élancées. Les strates laissent apparaître des bois fossilisés et renforcent cette impression d’évoluer dans un paysage de fond de mer.

Deux péripéties sont venues obscurcir la jovialité initiale : les rayons de ma roue arrière commencent à casser. Un d’abord de manière imprévisible dans une descente sans accroc. Comme je n’ai pas de quoi réparer et que j’ai roulé 100 km dessus, ce soir 2 rayons sont à changer. Mais le prochain bike shop est à 260 km … Je vais sans doute mobiliser Hannah pour sortir de la galère…

L’autre contretemps est une chute du chargement, visiblement mal ficelé, qui a produit une fuite sur ma poche à eau. Cela m’a préoccupé un peu dans cette entame de traversée d’un désert. Mais au final, il est possible de recharger assez souvent, j’ai tâché une réparation et j’attendrai St George pour m’en procurer une nouvelle le cas échéant.

Il est étonnant de voir comment facilement, l’état de contemplation se tourne en inquiétude. Et comment les calculs de la meilleure réaction me ferment au paysage et produit une sorte de tension négative.

Heureusement une rencontre et un paysage m’ont forcé à sortir de ces préoccupations. D’abord la rencontre avec un fermier bio au milieu de nulle part qui vendait du pain et des fromages de chèvre qu’il avait appris à confectionner avec une Française. C’était délicieux. La discussion était aussi riche : il déplorait l’instrumentalisation du bio par les grandes corporations et les mesures visant à rendre impossible les fermes artisanales notamment sous couvert du « modernisation of food an health act ». Ici comme dans l’Union Européenne la prolifération des règlements pénalise les petites structures au point parfois de les faire disparaître. Il a commencé il y a 30 ans et a toujours cherché à faire une ferme « sustainable ». Depuis sa rencontre avec une diététicienne de L.A., sa nouvelle copine, il peut écouler ses produits comme « soins » pour américains défoncés par la junk food. Il parle aussi de la difficulté à faire reprendre sa ferme, parce qu’il faut trop travailler, parce qu’on ne gagne pas beaucoup d’argent, parce que les conditions ici sont dures (-30° f l’hiver, 130 °f, l’été), moins de 6 pieds de pluie en moyenne par an, pas de débouchés proches… J’observe aussi beaucoup de convergence avec Renée : la satisfaction profonde dans la nourriture de qualité produite par ses soins, la conscience de la minorité, l’espoir du changement qui fait valoriser certains aspects sociétaux, la tension entre produire de la nourriture chère et du coup servir exclusivement les riches, l’engagement total pour la production et les affaires… C’était inespéré, c’était intéressant, c’était délicieux.

Le paysage époustouflant est Capitol Reef. Une petite vallée sillonnant entre les falaises de grès. Un peu trop de touristes mais des couleurs enflammées au couchant. Ce soir, je dors à la sortie du parc. Il y a du vent et je suis inquiet pour mes rayons. Mais la journée a été belle !

Damien

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